Avant les mots... La musique
- lesouriredalexis
- 26 avr.
- 5 min de lecture
Bien avant le premier mot, "boire", bien avant le porte-clé de communication, (référence à l'article précédent), il y a eu la musique.
On a assez vite remarqué qu’Alexis réagissait fortement aux sons. Certains rythmes déclenchaient ses sourires, d’autres le faisaient bouger les jambes comme pour danser.
Avec le recul, c’était notre tout premier pas vers une forme de communication : il exprimait déjà ses préférences, et nous, nous les comprenions.
Il était acteur, à sa manière, et nous l’avons suivi, sans encore vraiment mettre de mots sur ce qui se jouait.

Un peu plus tard, j’ai eu l’idée d’utiliser cette sensibilité musicale pour lui transmettre des informations sur son quotidien...
(Nous avions tenté d’introduire des photos pour qu’il anticipe les interventions, mais il ne les regardait même pas.)
Nous avons donc demandé á chaque intervenant – kiné, psychomotricienne, AMP, AS, ergothérapeute, orthophoniste… – de choisir une musique. Et on la faisait écouter systématiquement à Alexis á leur arrivé.
Et là , très rapidement il a associé chaque son à une personne, une activité.
Ainsi, il savait désormais qui allait venir, et pourquoi ! Et cette compréhension changeait tout.
Anticiper pour apaiser
Alexis a toujours été très anxieux face à l’inconnu.
Avant, chaque activité débutait par un long temps d’apaisement qui grignotait, voire empêchait, la séance.
Désormais, ce temps-là disparaissait : il savait. Il n’était plus dans l’attente floue, dans l’inquiétude.
Petit à petit, nous avons décliné ce principe à d’autres moments de la journée : la toilette, la promenade, le jacuzzi, et dernièrement la tablette oculaire…
Même les rendez-vous médicaux, les départs en vacances ou les prises de sang ont trouvé leur musique.
Il n’aime pas tout, bien sûr – personne n’aime les prises de sang –, mais il sait ce qui l’attend, et cette anticipation transforme sa façon de vivre ces moments.
La magie des lumières
Puis sont venues les ambiances lumineuses. Comme vous le savez peut-être Alexis est très intéressé par les lumières également. Comme nous souhaitions le faire travailler avec les yeux en plus de l'audition, nous avons intégré des projections sur les murs pour accompagner visuellement les temps forts de la journée : les poissons pour l’eau, les papillons pour la nuit, l'espace pour les pauses, etc…
Nous utilisons pour cela le projecteur Aura et les disques achetés sur Hoptoys ou Nenko.

Et là encore, le pouvoir d’anticipation fait des merveilles.
Par exemple, Alexis autrefois se débattait quand on essayait de le déshabiller car il paniquait, pensant peut-être à une manipulation douloureuse comme il a pu en avoir à l'hôpital... Aujourd'hui il se réjouit dès le début car il sait grâce au visuel poissons qu'il va à la douche, ou encore au jacuzzi ! Il détend le bras et collabore du mieux qu'il peut…
Il n’a plus besoin de lutter contre l’inconnu : il sait.
Nos premiers jalons
Ces petites astuces ont été nos tout premiers jalons.
Avant de parler de CAA (communication augmentée ou alternative), nous avons cherché à l’apaiser, à lui transmettre des repères sensoriels fiables, à lui donner les clés pour comprendre son environnement, qu'il se sente en sécurité.
À cette époque, je ne disais pas encore qu’Alexis « communiquait ». Je n’avais pas encore pleinement compris que c’était bel et bien une forme de communication. Que nous étions, déjà, en dialogue.
Je disais qu’il avait un langage non verbal, que nous avions appris à déchiffrer. Pour être tout à fait honnête, je pensais encore qu’il exprimait des besoins primaires, à travers des réflexes archaïques, des mimiques, des changements de tonus. C'est ce que les professionnels m'avaient dit depuis toujours... Comme un bébé, qui au départ n'a pas d'intention communicative définie quand il crie et réalise des mouvements corporels. C'est l'instinct de survie.
L'interprétation par l'entourage, clé du langage
"Avant même les mots, il y a ce lien invisible tissé par les sons, les regards, les gestes.
C’est dans cet espace silencieux que la communication a commencé pour nous."
Les recherches sur l'acquisition du langage chez le bébé montrent que tout commence par l'interprétation active de l'entourage : sans l'entourage pour donner du sens aux gestes, aucun langage ne peut émerger.
Ce principe est aussi la base de la CAA (communication Alternative Améliorée) : croire que chaque personne , quel que soit son niveau de communication, a des choses à exprimer, des intentions, des émotions à partager.
C'est en adoptant cette posture avec Alexis que nous avons pu commencer à bâtir un véritable échange.
Au début, les professionnels avaient probablement raison, comme les bébés, Alexis ne cherchait peut-être pas consciemment à nous "parler".
Mais à partir du moment où on a commencé à donné du sens à ses gestes, à ses mimiques, nous avons construit peu à peu une passerelle entre lui et nous.
Chaque mouvement reconnu, chaque émotion interprétée, est devenue une brique pour bâtir la confiance et encourager l'expression.
Notre regard ouvert posé sur lui, ce choix de croire en son intentionnalité même sans preuves évidentes, a changé la donne.
Il ne s'agissait plus seulement de répondre à des besoins basiques, mais de lui ouvrir un espace pour qu'il puisse participer à son projet de vie, exprimer ses envies, ses choix, ses émotions.
Sans cette posture d'écoute active et de présomption de compétence, nous ne serions jamais arrivés aux outils de communication que nous utilisons aujourd'hui, et Alexis n'aurait peut-être pas osé franchir ces premiers pas vers le langage.
La communication n'est pas née d'une attente, mais d'une foi silencieuse en ce qu'il avait à dire.
Avant que les mots ne prennent racine, il faut tendre l'oreille aux gestes et écouter avec le cœur.
Et après…
C’est ce chemin là qui nous a menés, plus tard, au premier mot d'Alexis . Ce n'était pas un mot prononcé, mais un geste : ouvrir grand la bouche, intentionnellement pour nous dire "BOIRE". Ce n'était pas un signe officiel de langue des signes, mais un geste volontaire, porteur d'un message clair.
Le tout premier signe que nous avons reconnu comme signe de communication consciente.
Le tout premier pas vers un monde où il allait , enfin, pouvoir se faire entendre.

Et puis il y en a eu d'autres, le oui, le non, je le veux, ça fait mal, ça va pas ça m'agace, stop c'est trop je ne peux plus gérer... Nous avons réuni ces messages d'Alexis sur un porte clés de communication qu'il emmène partout avec lui.

Vous pouvez retrouver mon article à ce sujet ici :
Et aujourd'hui, nous nous ouvrons à de nouveaux horizon, pleins d'espoirs, avec la tablette oculaire : une passerelle vers encore plus de communication, de choix, de liens.
Je vous en parlerai dans un prochain article !

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